Les Spatules blanches nichent au
marais de Goulaine, quelques couples seulement, mais comment suivre leur
nidification sans pénétrer dans le marais et sans mettre en danger ces oiseaux ainsi que tous les ardéidés. Depuis un de nos affûts, nous pouvons suivre un couple qui
a déjà ses jeunes. Un autre couple est visible quand les adultes sont debout mais depuis un autre point. D’autres se
reproduisent au vu des allers-retours observés mais combien? Il faudrait
construire une véritable tour pour dominer le marais. Cette construction serait
technique, coûteuse et serait une véritable verrue dans le paysage et interdite
de toute façon.
Pour voir en quittant
la terre ferme en l’absence d’aile j’ai le choix entre :
- l’hélicoptère, trop cher, trop
bruyant, interdit.
- la montgolfière, trop chère, interdite.
- le drone, trop cher, dangereux pour
les oiseaux.
- les images satellites de la
défense, impossible.
Et
si je montais dans un arbre. Quel arbre ? Les peupliers sont des arbres élevés
mais l’absence de branche près du sol ne facilite pas l’escalade. Ce qu’il me
faut c’est un arbre assez haut, avec des branches régulièrement espacées qui me
permettront de m’élever sans danger. De plus, il doit se trouver dans un endroit
discret et facile d’accès. Après quelques recherches, je trouve le spécimen
adéquat. Après une escalade relativement facile, je m’aperçois que pour
atteindre le sommet le risque d’une chute grandi. Effectivement, je commence à
dominer la héronnière mais il me faut gagner encore quelques mètres. Seulement
la prochaine élévation se fera plutôt à la force des bras. Prudent, je préfère
redescendre.
Revenu
chez moi je ressors mon vieux matériel de spéléologie. Il me reste un baudrier,
des cordes, des mousquetons. Je vais équiper le tronc de l’arbre avec des
anneaux de corde autour de la naissance des branches pour pouvoir m’assurer à
la montée et à la descente. Je choisis d’y aller en compagnie d'André, si je
tombe il pourra prévenir ma veuve !
Je commence à grimper
mais je ne mets pas d’anneau de corde tout de suite afin de ne pas attirer
l’attention d’un promeneur. Vers quatre mètres, j’installe le premier anneau
autour du tronc juste au dessus de la naissance de la branche; double nœud de
pêcheur, je retrouve les gestes de ma jeunesse disparue. Je m’assure en passant
le mousqueton de ma longe dans l’anneau et m’élève d’un mètre pour nouer le
prochain anneau. Je m’assure sur le nouvel anneau, me libère de l’anneau du
dessous et ainsi de suite j’atteins le sommet de l’arbre, enfin presque car le tronc
devient un peu mince.
Coup d’œil circulaire sur la héronnière, c’est magique de
dominer le marais et de voir la répartition des colonies. Trois colonies mixtes
concentrent 75% des effectifs des ardéidés, les garde-bœufs sont tous regroupés dans ces secteurs. Le reste de la
héronnière est occupé par des couples de Grandes Aigrettes, d’Aigrettes
garzettes, de Bihoreaux gris et de Hérons cendrés. Comme c’est un arbre il y a des feuilles mais en me déplaçant j’ai une vision presque totale. Manque de chance, trois
saules blancs masquent une colonie de spatules que je devine seulement. La
spatule que je pouvais observer depuis le sol n’est pas seule, je compte trois
autres couveurs, génial.
La
position n’est pas trop confortable, il manque une branche pour pouvoir appuyer
mes deux jambes. L’idéal serait d’avoir une plateforme amovible comme une
escarpolette où je me tiendrais debout. La descente s’effectue facilement mais
il manque deux anneaux pour plus de sécurité. J’améliorerai le dispositif quand
je reviendrai avec mon nouveau bricolage.
Jean-Luc Leschirole