Comme les samedis matin j’ai une heure et
demie à passer près du marais de Goulaine, j’en profite pour faire des
balades ou de l’observation statique. Aujourd’hui, ce sera affût en waders car les pluies du
dimanche 29 mai (90 mm chez moi et sans doute plus sur le bassin versant du
marais) ont fait monter de 1 mètre le niveau en 24H. C’est une vision hivernale
du marais qui s’offre à mes yeux hormis une végétation plus luxuriante. Je m’enfonce
rapidement jusqu’à la ceinture dans l’eau et me dissimule en partie dans un buisson de saules. Je vais attendre le passage du héron pourpré car depuis le même
endroit plusieurs observations ont été réalisées ces dernières semaines.
J’ai enfilé ma cagoule et mes
gants camouflés et rabattu la capuche de ma parka qui est roulée en boudin
autour de mon torse car je n’avais pas prévu que l’eau me monterait aussi haut.
Les garde-bœufs, les bihoreaux,
les cendrés me passent sur la tête sans me remarquer.
Des cris rappelant une
sterne attirent mon attention, ce sont trois Guifettes moustacs qui me
survolent. Chaque année, quelques individus sont aperçus sur le marais mais
c’est un peu tard pour de la migration.
Je jette un coup de jumelles à
tous les grands hérons qui passent. Quand la lumière est mauvaise et que le
manteau des couvertures n’est pas contrasté, je regarde la courbure du cou qui
fait une bosse beaucoup plus marquée chez le pourpré que chez le cendré. Ce
matin, l’activité des grands hérons est faible. Avec la crue, ils ont peut-être
du mal à trouver des proies, l’eau est profonde et les écrevisses sans doute
plus difficiles à atteindre.
Un rat musqué qui
mange des pousses de roseaux me distrait en attendant.
Une famille de Grèbes huppés se
rapproche lentement. Ce sont quatre grands jeunes et un adulte. C’est
étonnant car à cet âge les adultes ne se
chargent plus d’autant de jeunes. Les juvéniles ont déjà perdu leur duvet et
les plus vieux ont déjà les petites aigrettes qui caractérisent l’espèce.
Ils
sont maintenant à six mètres de moi mais ne m’identifient pas vraiment, ils
sont un peu inquiets mais je peux quand même les détailler pendant plusieurs
minutes.
La pression de l’eau commence à
m’ankyloser les pieds, je m’accroche à une branche et laisse remonter ma jambe
vers la surface, je remue les orteils, maintenant à l’autre jambe, merci
Archimède.
Je regarde ma montre, 12h03, je
suis là depuis une heure mais la flottabilité du néoprène atténue la pénibilité de rester sur place. Un
petit rapace trapu file au dessus des saules, c’est un mâle d’épervier avec une
proie dans les serres. Il doit rejoindre
sa compagne pour lui donner le produit de sa chasse qu’elle distribuera aux
poussins.
Deux spatules tournent aux dessus
des saules puis descendent sur des nids que je ne peux voir de ma position.
Je commence à ressentir la
fraîcheur de l’eau malgré l’épaisseur des waders. Bon 12h30, c’est l’heure de
partir. Pas de Héron pourpré pour cette fois, il a pu passer quand je tournais
la tête du mauvais côté, pas question de s’avouer vaincu, je referai quelques
séances immergées.
Jean Luctuat Necmergitur
Les photos qui illustrent cet article n'ont pas été prises pendant cet
affût.