vendredi 7 octobre 2016

Les chroniques de la Bréhardière : la Batbox

    En ce début d’octobre, je profite d’un après-midi ensoleillé pour faire le tour du jardin à la recherche d’orthoptères. Cette année la sécheresse a certainement freiné le développement de cette population d’insectes. Dans le jardin l’herbe verte est plutôt rare, aujourd’hui devant mes pas peu de criquets sauteurs. Euchorthippus declivus, Omocestus rufipes, Chorthippus biguttulus, les criquets habituels mais ce que je cherche ce sont des decticelles et je me suis muni d’un détecteur d’ultrasons batbox. Cette petite boîte électronique permet de transformer les fréquences inaudibles pour nos oreilles humaines en fréquences audibles. A l’origine ce dispositif est fabriqué pour entendre les ultrasons émis par les chauves-souris, d’où son nom anglais.

    Sur le côté, une molette permet  d’inspecter la plage de fréquences entre 9.1 kHz (kilo Hertz) et 142.5 kHz.  Un écran permet de visualiser la fréquence du balayage. L’oreille humaine peut percevoir, en théorie, des fréquences entre 20hz et 20.000Hz (20kHz) mais en vieillissant les fréquences hautes ne sont plus perçues. L’environnement sonore où nous vivons agresse notre sensibilité auditive. Les bruits de la ville, les usines où nous travaillons, nos écouteurs placés dans les oreilles, nos soirées en boîte de nuit en sont responsables.
    Je parcours donc le jardin en balayant les friches avec ma batbox et rapidement un crépitement se fait entendre. En orientant de gauche à droite la box, le son diminue ou augmente et me permet d’avoir un azimut de l’émission mais malgré plusieurs minutes de recherche autour de ces herbes sèches, impossible d’en découvrir la provenance.
    Je repars en quête plus loin. Le même crépitement, situé dans les mêmes fréquences, de la même façon j’arrive à avoir un azimut mais je n’arrive pas à détecter la bestiole. Le son paraît venir du haut des herbes mais je ne vois rien. De nombreuses inflorescences sèches de carottes sauvages et de centaurées se balancent devant moi, j’oriente le détecteur dans cette direction et diminue sa sensibilité pour être plus précis dans mon repérage. Pas de doute, le son vient des fleurs recroquevillées. Je les détaille une par une et je finis enfin par découvrir un mâle de Decticelle carroyée, Tessellana tessellata, en train de striduler car je vois ses tegmina bouger. Quand j’éteins le détecteur je ne perçois aucun son, j’approche lentement mon oreille de la decticelle et à seulement vingt centimètres j’entends le frottement des tegmina. Je continue ma prospection et trouve deux autres tessellata.
Tessellana tessellata mâle
    Dans le pêcher, une Grande Sauterelle verte chante ; je n’ai pas besoin de détecteur pour l’entendre mais la box permet de la repérer plus précisément. Cet appareil est utile pour les personnes dont la sensibilité de l’oreille baisse même avec des fréquences audibles.
Phaneroptera nana
Je capture à la main un Phanéroptère méridional, Phaneroptera nana, que je photographie. Ses stridulations sont des cliquetis de fréquences élevées émis principalement la nuit. Bien que coopératif, il n’a pas envie de chanter. D’autres sauterelles sont uniquement repérables avec ce genre de détecteur mais je ne suis pas encore aguerri à ces prospections, avec le temps et du travail on s’améliore.

Jean-Luc Fabre