L’hiver est toujours pour moi une période où je mets
l’ornithologie de terrain en sommeil. Bien sûr, je fais quelques sorties en bord
de mer mais je ne parcours pas notre secteur CEPS à la recherche d’oiseaux. Je
suis fainéant et guère curieux à cette époque.
Je me contente de regarder les oiseaux aux mangeoires. Et
ces oiseaux pourtant communs, si souvent observés, me procure un véritable
plaisir. Je passe de longs moments à les regarder vivre au lieu de bricoler,
jardiner, ranger…
Chaque matin, c’est le même rituel. Pendant que je déjeune,
les premiers verdiers arrivent et attendent que la mangeoire soit remplie. Je
n’utilise pas de mangeoire silo car ces granivores me coûteraient une fortune
en tournesol. Deux mesures par jour, une troisième en début d’après-midi quand
le froid est trop vif. Les plus agiles
se posent sur les boules de graisse pour l’apéritif avant mon passage.
Les verdiers sont des bagarreurs et ils passent souvent plus de temps à chasser leurs congénères qu’à manger.
Parfois la bande de verdiers compte une trentaine
d’individus et je me demande toujours si ce sont les mêmes qui fréquentent mon
restaurant. En l’absence d’oiseaux bagués, difficile de répondre à cette
question. Je n’ai qu’un début de réponse : l’année dernière un verdier
leuciste est apparu au courant de l’hiver, je ne l’ai vu que deux jours. Faisait-il partie d’un groupe de passage ?
C’est fort probable.
Mésanges bleues et charbonnières sont difficiles à compter.
Sans cesse en mouvement, elles passent de la mangeoire suspendue derrière la
maison à la mangeoire plateau devant la maison. J’ai obtenu un maximum de 8
individus pour chaque espèce. Elles aussi ne laissent pas facilement leur place
à la mangeoire ou sur les boules. Au lieu de rester sur les mangeoires, elles
prennent une graine et vont la décortiquer un peu plus loin. Cette stratégie
leur permet d’éviter d’être déranger pendant leur travail. Mais quand on compte
le nombre d’allers et retours qu’elles effectuent sur plusieurs dizaines de
mètres pour être tranquilles, je me demande si elles ne gaspillent pas l’énergie
qu’elles viennent d’accumuler en picorant cette graine.
Je n’ai vu la mésange nonnette qu’une seule fois pendant
quelques jours il y a quelques années. Sa stratégie était différente :
elle avalait 2 ou 3 graines de tournesol, en prenait une dans le bec et partait
les manger ou les cacher plus loin. J’avais déjà remarqué cette façon de faire
quand j’habitais l’Essonne.
Peu de chardonnerets fréquentent mes postes de nourrissage.
Le plus souvent ce n’est qu’un individu, voir trois au maximum. Pourtant dans
les vignes, de l’autre côté de la route, ce sont souvent des bandes de plusieurs
dizaines d’individus qui exploitent les végétaux non désherbés.
Les Pinsons des arbres sont le plus souvent à terre pour
récolter les miettes que font tomber les verdiers, les graines de tournesol
sont trop grosses pour la forme de leur bec. Ils préfèrent des graines plus
petites. Certains viennent picorer les boules en voletant, là aussi la dépense
d’énergie doit être plus grande que le bénéfice. Certains sont plus malins et
savent s’accrocher aux petits filets verts.
Au sol, un couple de traîne-buisson picore lui aussi les
miettes qui se désagrègent des boules. Son bec d’insectivore ne permet d’éclater
les cosses des tournesols, aussi je répends un peu d’un mélange de céréales
concassées. Ces Accenteurs mouchets ne vivent pas en bandes, c’est le couple du
jardin. Ce matin, malgré le froid son chant retentit dans le jardin, simple
mais mélodieux d’où son nom
Prunella
modularis, modularis pour modulé et
Prunella
pour rappeler la couleur violette de la prune.
Robin, le rouge-gorge vient aussi récupérer quelques miettes
au sol, parfois il arrive à se percher pour picorer une boule, ou alors il préfère
le petit pot de margarine sur la mangeoire plateau.
Cette année par encore de visiteur rare. Pas vu la queue d’un
Tarin des Aulnes ou d'un Pinson du nord. Les populations hivernantes de ces
espèces sont assez fluctuantes. Suivant les ressources alimentaires des régions
où ils se reproduisent, ils peuvent apparaître en plus ou moins grand nombre
chez nous certaines années.
Cette année aussi, pas de Bruant zizi ni de Pic épeiche, pourtant des individus
traînent dans le jardin mais ne semblent pas attirés par le nourrissage; c’est
qu’ils trouvent leur pitance ailleurs, tant mieux.
Si la pose d'une mangeoire est un acte pour aider les oiseaux à passer l'hiver, c'est aussi un moyen de mieux connaître les espèces qui fréquentent votre jardin et ceux des voisins et l'occasion de parfois découvrir une nouvelle espèce plus rare.
Jean-Luc Legrainetier